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  • Cinq petits secrets...

    medium_Fragonard.jpgMon amie,

     

    Je vous l’avais déjà dit l’an dernier, je ne déteste rien tant que ces périodes où l’année ne cesse de commencer pour finalement s’achever dans le temps d’un soupir !

    Voici février entamé sans que je ne vous ai donné de nouvelles. J’ai pour notre amitié un respect infini, aussi, je vous épargnerai les fallacieuses excuses que j’aurais pu trouver pour justifier mon silence. Je n’en ai pas ou alors je n’en ai qu’une : la paresse. Votre amie, celle que vous chérissez depuis tant d’années est une grande paresseuse devant l’éternel. C’est l’un de ses petits secrets. Pour combattre ce défaut, j’ai depuis l’enfance pris le parti de me débarrasser le plus vite et le mieux possible de toutes les corvées de l’existence. C’est bien là le paradoxe de cette imperfection qui me conduit au bout du compte à une perpétuelle agitation tant il est vrai qu’une tâche chassant l’autre et les heures du jour étant fixées ad vitam aeternam à vingt quatre, mon oisiveté naturelle n’est satisfaite que le soir au coucher !

    Une petite confidence en entraîne une autre et il faut bien que je vous avoue qu’en plus d’être paresseuse, je suis obsédée par la propreté. Je vous vois sourire et vous dire, que j’ai là une obsession fort peu gênante compte tenu du nombre de personnes à mon service pour l'assouvir dans les plus infimes détails. Cela serait vrai si je n’effectuais pas moi-même certains devoirs domestiques par crainte que mes gens me jugent mal sur la mine plus ou moins poussiéreuse de mon boudoir ou, pire, de mes commodités. C’est ainsi que votre amie se retrouve souvent les jupes retroussées à frotter son parquet et briquer ses cuivres quand ses gens, eux, dorment du sommeil du juste.

    En relisant ces quelques lignes, je me rends compte que je suis une grande dissimulatrice. A ce propos, je dois vous avouer que dans mes jeunes années, j’ai eu le désir de quitter le chemin qui m’était destiné pour suivre les cours d’une troupe de théâtre. Mes humeurs changeantes, mes emportements soudains, mes engouements passagers, mes rires intempestifs, bref toutes les facettes de mon tempérament auraient pu s’exprimer en un tel emploi. Par l'alchimie de la scène, mon caractère serait devenu talent.  Las ! En un regard et quelques mots, Monsieur mon Père, a redonné à mon pas sautillant la cadence qu'il sied à celui des gens de notre monde. Encore aujourd’hui, j’ai parfois des regrets de ne pas avoir fait preuve de plus de constance sur cette voie et d’avoir préféré la grand’route aux chemins de traverse. J’ai pourtant connu de sombres traversées dont je ne suis pas fière mais puisque le propos est à la confession il faut que je vous le dise.

    Il n’y a rien que je supporte moins que la trahison. Je l’abomine en politique, je l'abhorre en amitié et en amour, elle me rend capable du pire. Avec l’âge vient la raison et c’est heureux quand vous saurez que jeune amoureuse éconduite, je n’ai pas hésité à faire corriger l’objet de mon ressentiment par l’un de mes courtisans contre la promesse de certaines faveurs. De la petite fille capricieuse et gourmande qui volait en cachette des biscuits qu’on lui refusait, à cette toute jeune femme qui fait corriger son amant, il y a une unité ne trouvez-vous pas ? Je n’aime pas qu’on me résiste, là est toute ma cohérence.

    Gardez bien mon amie tous ces petits secrets pour vous, il y en cinq pas un de moins. Je laisse à mon ami Garenne, le soin de relever le défi à son tour. S’il le souhaite.

    Votre toujours fidèle,

    F.E.

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