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  • Il n'est de bonne compagnie ...

     

    medium_Raoux_ingr.jpgMon amie,

     

    Je vous l’ai dit maintes fois, je nourris de sérieux doutes sur l’utilité des concessions mondaines que nous devons à notre petite société. Je vous vois sourire et vous moquer peut-être. Vous auriez bien raison. Il est vrai que je me laisse souvent tenter même si je renâcle toujours comme un mauvais cheval lorsque le carton me parvient. Las ! Chaque jour qui passe me rapproche de l’échéance et mes résolutions faiblissent. La curiosité est mauvaise conseillère et votre amie lui tend une oreille complaisante. Je me trouve ainsi, plus que je ne le souhaiterais, entraînée loin des chaudes tentures de mon boudoir.

    Je reviens à l’instant de l’une de ses petites causeries de dames où l’on feint d’être à son aise en sirotant un chocolat trop chaud, perchée plus qu’assise sur des fauteuils dont la facture l’emporte sur le confort. J’ai encore les oreilles pleines, c’est là le comble, des babillages creux de certaines de mes voisines. A de rares exceptions près, ces dames n’ont rien à dire mais elles le font savoir haut et fort et tous ces « riens » mêlés forment un brouhaha éprouvant pour mes nerfs. Je ne montre rien de cela et, pourquoi vous le cacher, je m’amuse même à feindre de priser fort leur compagnie. Le temps ne s’écoule lentement que lorsque l’on s’ennuie. J’ai donc trouvé dans cette petite comédie la parade pour accélérer le pas de Chronos et cette pensée secrète, je dois bien vous l’avouer, m’amuse énormément. Cette duperie bon enfant m’emmène pourtant plus loin que je ne le pensais car ces dames désormais recherchent ma compagnie.

    Pas un jour sans son lot de billets me priant d’accepter pour telle date à telle heure tel souper. Jugez comme la chose est coquasse : me voici en quelque sorte prise dans mes propres filets ! Moi qui n’apprécie rien tant que les petits comités, voilà que je virevolte d’un salon à un autre quand mon petit boudoir, lui, reste désespérément vide. J’ai tout fait pour accélérer la marche du temps et voici maintenant qu’il s’égrène trop vite, si vite, même, que je n’en ai plus une miette pour vous écrire. Même si parfois la légèreté de ces dames me délasse, croyez bien que je souffre de cette situation et l’absence de profondeur me pèse au bout du compte.

    Je ne saurais pourtant vous faire une promesse ferme de changement dans un proche avenir. Je réserve cette sorte de mensonge mondain que sont les faux engagements à certaines coteries mais à vous je dois la vérité. Ne pouvant être aussi proche de vous que je le souhaiterais, ne serait-ce que par l’entremise de ma plume, je vous reste fidèle en pensée. C’est fort peu et c’est beaucoup. C’est selon.

    Toujours votre,

    FE

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