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Une lettre retardée...

Ma bonne amie,

Je reçois ce jour seulement votre lettre du 15 du mois dernier ! Mais que fait donc notre poste juste ciel ! Je m’inquiétais de votre silence, vous croyant dans les plus grands périls. Je vous voyais perdue dans je ne sais quelle province, malade, morte peut-être !

Me voici rassurée sur tous ces points, quoique fort courroucée contre les services postaux de notre pays. Je n’écris pas « beau » pays, car il est laid le pays qui cause de tels désagréments dans le particulier de ses habitants. J’en parlerai à Monsieur de la … dès demain puisque je l’ai convié, ainsi que Madame son épouse, à venir voir les dernières plantations de notre jardin. Comme vous le savez, Monsieur de la … est membre du Parlement. Personne ne saurait, mieux que lui, transmettre à qui de droit mon sentiment sur ces retards postaux ! Je vous vois sourire et penser que votre amie s’épuise inutilement dans cette affaire somme toute bénigne. Je réponds à ce merle moqueur qu’il n’est point de « petites choses » lorsque est en cause le fonctionnement d’un Etat ; a fortiori celui d’un Etat qui se veut grand, se dit grand et se voit grand ! On commence par tolérer les retards postaux et tout finit à vau l’eau … Imaginez ma Chère tel général en campagne dont toute la stratégie serait compromise par un retard de poste … Elle aurait bonne mine la grande nation guerrière ! Si Midi n’a pas sonné à ma porte, mon Amie, c’est qu’il n’a pas davantage sonné à celle de Notre-Dame.

Voilà que je m’égare encore. A jouer les Cassandre de salon, je perds le fil d'une pensée qui ne devrait être tournée que vers vous. Je suis si heureuse d’avoir enfin de vos nouvelles que je ne devrais pas me laisser emporter par ces tracas ancillaires.

Vous me trouvez fort aise de vous savoir si bien installée. Comment sont les gens de ce pays-là ? Vous ne m’en dites rien. De ce que vous m’écrivez, je comprends que votre maison est grande et votre domesticité à sa mesure. Il est vrai que Monsieur du … doit mener grand train s’il veut faire honneur à notre vieux pays. A vous lire en effet, je sens par contraste notre France bien poussiéreuse, replète, satisfaite, statufiée, momifiée même comme une grosse rentière morte de s’être littéralement goinfrée de son héritage, et que l’on aurait embaumée sur place faute de pouvoir la déplacer ! Je suis heureuse de voir que par-delà les océans, le monde bouge…

Votre dévouée, mais poussiéreuse F.E

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Commentaires

  • Ma chère, vous êtes très près de la vérité. Il me souvient d'une campagne en Artois qui faillit prendre mauvaise tournure à cause d'un retard de la poste. Nous attendions des ordres de Paris pour faire mouvement et comme ils n'arrivaient pas, nous dûmes rester à demi couverts dans des sous-bois qui nous mettaient à la merci de l'ennemi. Vous avez bien raison : la poste royale n'est plus ce qu'elle était ! Et ce n'est pas de notre bien-aimé souverain qu'il faut nous plaindre, mais de certains de ses sujets. Je songe à ces officiers civils qui, dépourvus du sens du service, n'ont d'autre idée que de prendre leurs aises avec les ordres d'en haut ainsi qu'avec les devoirs de leur charge. Dieu sait où ces choses nous mèneront !

  • Enfin je peux vous glisser un mot, je n'ose écrire un poulet !

    Donc pas de politique, dites-vous ! Je me gausse, je glousse même ! Chassez-la par la porte, elle revient par la fenêtre, cette coquine !

    Recevez, chère, mes glouglous les plus amicaux,

    La pintade.

  • Je vous aime mon amie lorsque vous jouez les précieuses ! Il n'y a d'affaires que politiques si l'on s'en tient au sens grec du mot. Et il me plaît à moi d'observer les moeurs des gens de cette cité.
    Votre fidèle,
    F.E.

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