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L'enterrement d'E. B. de la ...

Ma bonne amie,

Votre cousine C. me quitte à l’instant. Je l’avais conviée à venir me raconter son passage chez vous tant je me languis de votre amicale présence. Elle m’a décrit par le menu les belles fêtes que vous donnez et m’a dit tout le soin que vous portez à ce qu’on les puisse croire parisiennes ! Je vois également que vous tenez salon et que, ma foi, l’on se presse à vos appels. Je suis heureuse de vous savoir si gaie. Vous donnez à notre pays un bien beau visage et Monsieur du … doit rendre grâce chaque jour de vous avoir à ses côtés.

L’air parisien est des plus triste hélas!

Nous avons perdu notre amie E. B. de la … La pauvre femme s’est éteinte ce samedi de ce mal de poitrine qui la consumait depuis quelques années déjà. De vous à moi, ma bonne, elle ne s’était jamais remise de ses dernières couches et je crois qu’elle aurait dû refuser à Monsieur son époux certaines faveurs. Il en est qui conduisent au tombeau pour peu que l’on soit de fragile constitution. Il faudrait enseigner ces choses à nos filles, elles y gagneraient je pense en liberté. Je tremble que ces mots n’arrivent entre les mains de votre époux. Il pourrait croire que je vous invite à je ne sais quelle rébellion et vous enjoindre alors de briser là notre petit commerce.

Que je vous raconte, l’enterrement d’E.

C’était hier en l’Eglise de la Madeleine. Nous avons eu les plus grandes peines à nous y rendre tant Paris est sens dessus dessous avec les travaux du Baron H que vous aviez rencontré chez moi. Notre voiture s’est trouvée prise dans des encombrements monstrueux dignes de l’antichambre des enfers. On nous dit que la ville sera belle, mais pour l’heure mon amie, elle n’est que chaos et confusion.

Durant l’office, j’ai été saisie par le froid mortel de l’endroit et j’avais les doigts gelés malgré mon manchon de fourrure. Mais pourquoi, juste ciel ! autant de courant d’air dans nos églises ? A croire que c’est un fait exprès et que la mort aime y battre le rappel. Certaines, parmi les personnes les plus âgées de l’assistance, ne résisteront pas à sa sinistre prière. Aussi, si je n’avais crainte de vous heurter, je vous dirais qu’il est bienséant de mourir aux beaux jours car c’est l’ultime marque des égards que l’on a pour ses proches que de leur épargner des obsèques sous les frimas de la vilaine saison.

L’enterrement en lui-même eut lieu au cimetière du Montparnasse, ce qui nous a contraints à traverser la Seine en empruntant le pont de l’Alma sur lequel notre cheval a glissé. Un instant, j’ai eu le sentiment que notre voiture allait verser dans le bas-côté, mais la ferme reprise en main de notre cocher nous a sauvés de ce péril. Nous sommes arrivés au cimetière sous la pluie, qui avait fini par s’inviter en ces tristes instants où pourtant les larmes ne manquaient pas.

Ah, mon amie! je suis bien aise que ces moments soient passés.

Nous serons tous un jour à l’heure à ce rendez-vous et je n’aime pas me le voir ainsi rappeler.

Je reste votre fidèle,

F.E.

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Commentaires

  • Ma chère, c'est toujours, même en ces circonstances tragiques, un plaisir de vous lire. Le bon conseil que vous donnez relativement à une certaine chose est d'une grande sagesse et devrait être entendu de toutes les dames de constitution fragile, ainsi que des maris trop ardents... Vous voilà maintenant un peu médecin, moitié des corps, moitié des âmes, car l'abstinence que vous prescrivez est faite pour sauver les corps avant que de sauver les âmes... Mais est-ce à dire, comme un principe général, que le salut des corps passe aussi par l'abstinence ? Car si cela est vrai, voilà qui nous conduit tout droit, au couvent pour vous, au monastère pour moi !

  • Ma chère, votre cavalier ne raccourcit rien ni ne perd rien de l'essentiel. Au contraire, il se borne à vous suivre dans vos pensées, et va des prémisses aux conclusions...

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