Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Vu par Madame de ***

  • Le merle moqueur

    Ma Chère,

     

    La distance qui nous sépare ne m’a jamais parue aussi grande qu’en ce jour où j’apprends que vous êtes accouchée d’un garçon. Que ne donnerais-je pour vous serrer dans mes bras et vous féliciter comme vous le méritez ! J’ai grand hâte de voir votre petit homme ! On me dit qu’il est bien gras et très chevelu ! Comme vous me l’aviez demandé, vous trouverez en la porteuse de cette lettre une nourrice dont je réponds comme de moi-même pour assouvir l’appétit de ce petit Monsieur du ***. Rien ne vaut le bon lait de France ! Je vous adresse également quelques caisses de notre vin de Champagne, de la confiture faite avec les mûres de mon jardin et quelques pâtes de fruit, car je sais que vous les aimez. Votre bonheur que j’imagine me comble et illumine ces tristes journées d’automne.

     

    Imaginez-vous qu’il souffle sur le Paris des salons un petit air mauvais venu de la province. Il y a quelques mois notre amie B. a introduit dans notre petite société un drôle de personnage tout en longueur et tout en os, au visage chafouin, au cheveu filasse et mis comme à l’avant-dernière mode. C’est un notaire bordelais venu reprendre l’étude d’un défunt oncle. Notre amie nous l’a présenté lors d’un petit souper dont elle a le secret. N’y étaient conviés que ses proches dont S. un jeune auteur qu’elle a pris en affection et auquel on promet un bel avenir. D’emblée notre Bordelais nous fit bien sentir qu’il se jouait fort de notre compagnie parisienne. Persuadé sans doute d’être dans une assemblée d’esprits simples et se glorifiant d’avoir fait ses humanités, l’homme, bien que nouveau venu et ne connaissant personne, s’est autorisé à jouer les critiques. Le visage fermé durant toute la soirée, il n’a manifesté aucun intérêt pour la conversation et s'est même ostensiblement mis en retrait lorsque S. nous a fait la lecture de sa dernière nouvelle. Il n’a desserré les mâchoires que pour me demander l’air narquois et regardant par-dessus mon épaule, si toutes les soirées parisiennes étaient toujours aussi bruyantes, futiles et stériles. « Vous voulez dire vivantes, enrichissantes et divertissantes ? » lui ai-je répondu. « Oui, elles sont toujours ainsi ! ».

     

    Croyez bien mon amie que je ne n’ouvrirai pas mon salon à ce petit notaire tant ses manières sont déplaisantes et son discours dénué de toute nuance. Bien des portes lui sont fermées depuis car cette petite ritournelle qu’il a servi et resservi à moult reprises a fini par lasser. A ce jour, on attend encore les premières lignes des libelles qu’il n’a cessé de promettre à certaines gazettes. Pour être aussi intransigeant dans ses goûts, il devra confiner au génie pour échapper au ridicule d'avoir tant exigé des autres et si peu de lui-même. Je doute toutefois voir un jour de telles pages tant la frustration, la mesquinerie et la jalousie sont piètres muses.

     

    Même dans la critique, ma chère, il faut savoir rester humble…

     

    Votre F.E.

     

    Tous droits réservés, reproduction interdite

  • Une fâcheuse promesse


    Ma chère amie,

    Vous ne le croirez peut être pas, mais celle qui vous écrit ce jour s’applique à gagner son paradis d’une manière des plus désagréables ! Oui mon amie, tant qu’à gagner son billet pour les verts pâturages, autant le faire de façon plaisante car après tout, il n’est écrit nulle part que seules les grandes douleurs conduisent au salut de l’âme.

    J’héberge depuis quelques semaines maintenant une mienne cousine provinciale désargentée et je souffre mille morts chaque jour depuis que cette jeune personne a posé ses malles entre mes murs. Lors de ma dernière halte sur mes terres bourguignonnes, je me suis en effet prise d’affection pour cette demoiselle plutôt bien née quoique sans le sou. Dans un élan d’affection, j’ai proposé à ses parents de guider ses premiers pas dans le monde. Je trouvais l’entreprise d’autant plus attrayante que n’ayant finalement que peu d’écart d’âge avec cette jeune personne, je trouvais là une belle occasion de m’amuser un peu.

    Que suis-je donc allée faire dans cette galère ? Je me le demande chaque matin au lever. Cette jeune personne n’a aucune conscience de son encombrement qu’elle a pourtant fort grand. Non qu’elle soit de constitution robuste, car elle est même plutôt petite et menue. Je ne laisse d’ailleurs pas de m’étonner qu’une personne si frêle occupe tant d’espace dès qu’elle paraît dans une pièce. C’est que la demoiselle qui a le verbe facile parle aussi fort haut et d’une voix qui plus est nasillarde. Ce babillage incessant, cette logorrhée sont un supplice pour les oreilles de l’aurore au coucher et un défi pour l’entendement tant les propos sont futiles. Les jours passant, j’ai grand peine à garder un air attentif devant tant de bêtise. Quand je sens que l’accablement me guette, je me réfugie dans mon boudoir, m’allonge un instant, ferme les yeux et force mon esprit à se vider de ce trop plein de « néant ». Mais rien n’arrête cette insolente, pas même une porte fermée car elle est curieuse par surcroît. Mes petites échappées se transforment alors en traquenard puisque je me trouve confinée avec elle dans l’espace réduit de mon petit salon.

    J’ai cru trouver une issue en lui demandant de bien vouloir nous lire à haute voix ce roman si charmant de Madame de Lafayette. Las ! Elle s’est livrée à l’exercice d’une voix monocorde, seulement interrompue par la reprise de son souffle. Quand elle n’ânonnait pas certains mots, elle en écorchait d’autres. J’en venais à regretter son babillage insignifiant. C’est vous dire… Les moments les plus ardents entre la Princesse de Clèves et le Duc de Nemours en devenaient presque drôles. L’idée de la lecture a donc fait long feu.

    Je l’ai alors emmenée en promenade du côté de Port-Royal et l’ai confiée aux bons soins de nos sœurs pour quelques jours. Ces femmes, qui ont plus que moi vocation à la sainteté, sauraient sûrement occuper l’esprit bouillonnant de ma jeune parente. Deux jours ne s’étaient pas écoulés que la Mère Supérieure me faisait mander pour que je vienne reprendre possession de ma charge. Si l’inconsciente était ravie de sa retraite, les sœurs n’ont pas caché leur soulagement. La volubile avait troublé les offices et mangé plus que de raison alors que nous sommes en carême.

    C’est que je ne vous ai pas encore dit qu’elle compte aussi la gourmandise parmi ses petites tares. C’est une chance remarquez. En effet, cette jeune personne qui a quelques restes de son éducation ne parle jamais la bouche pleine. Il faut dire aussi qu’elle est toute à son assiette au moment des repas. Mais un inconvénient chasse l’autre, car elle bâfre plus qu’elle ne mange et ce spectacle conduit à l’écœurement des autres convives. Depuis un mois qu’elle est ici, sa taille a pris deux centimètres et je dois faire ajuster toutes ses robes par ma modiste. N’ayant pas l’âge d’être sa mère, mes conseils ne portent pas et c’est tout juste si mes remarquent suscitent chez elle un haussement de sourcil.

    Ah ! si seulement nous savions à l’avance où peuvent nous conduire certaines promesses et comme elles peuvent être funestes dans leurs conséquences, je gage que nous garderions bouche close au moment de prononcer des paroles engageantes.

    J’entends des pas. Ce doit être elle. Je vous laisse mon amie...

    F.E.
     

    Tous droits réservés, reproduction interdite

  • L'honorable parlementaire

    Chère C.M.

    J’ai reçu l’autre soir à dîner le député G. Je l’avais rencontré alors que je travaillais au Palais Bourbon servant de plume docile à l’un de ses collègues, T, député-maire d’une petite ville résidentielle. Il me souvient qu’à l’époque ces deux-là ne s’estimaient guère, chacun traitant l’autre d’imbécile patenté, de gougnafier et de parasite de la République. Il faut dire que dans cette partie-ci du VIIe arrondissement le mètre cube d’injure n’est pas cher. C’est bien la seule chose abordable d’ailleurs dans ce carré étroit qu’est la place du Palais Bourbon.

    Il faut croire que l’eau a bien coulé sous le Pont Alexandre III, car mes deux oiseaux qui sont désormais les meilleurs ennemis du monde se respectent et ne s’insultent plus. Tu noteras que je n’emploie pas le mot ami. Cette espèce n’existe pas en politique. On peut y croiser des alliés, toujours de circonstance ; des amis, jamais. A côtoyer de près ces hommes durant de longues années, j’ai retenu quelques règles essentielles si l’on veut survivre dans ce petit milieu. Toujours se méfier de celui qui s’avance, la main offerte en saluant son collègue d’un « Mon ami comment vas-tu ? ». Toujours fuir aussi celui qui met la main sur l’épaule d’un congénère en lui susurrant un « à toi, je peux bien le dire puisque tu es un ami ». Dans le premier cas, la petite phrase masque au mieux une indifférence polie, au pire le secret espoir que l’autre réponde « mal, très mal, je vais tout lâcher ». Dans le second, au mieux le tuyaux est percé, au pire c’est un piège.

    Entre ennemis les choses ont le mérite d’être claires. Point n’est besoin d’artifice. On se croise, on se toise, on se mesure, on se défie. Tout cela peut se jouer en un regard à la salle des quatre colonnes ou à la buvette du palais. Etre ennemis en politique, c’est une sorte d’adoubement, une espèce de cooptation entre mâles de force égale. N’est digne d’être ainsi qualifié que celui qui menace le pré carré de son semblable, celui qui est pressenti comme étant de même valeur. Bref, celui qui inspire le respect quelque soit son camp et, pour dire le vrai, je pense qu’au fond, les pires ennemis se partagent le même. C’est paradoxal, mais c’est ainsi. C’est une chose que T n’a jamais comprise. Il faut dire qu’il est un rentier de la politique. Sa circonscription, héritée de son père est un terrain de jeu quand celle de G, conquise voix après voix, est un champ de bataille. La facilité de l’élection ne fait pas le talent. Et cela, T ne l’a pas davantage compris.

    C’est que Monsieur le député est un grand sentimental en fait. C’est un homme qui persiste à ne se voir que des amis avec une constance confinant à la bêtise. Je lui ai souvent dit qu’il avait raté sa vocation et il ne sortait jamais tant de ses gonds que lorsque je le traitais de nouveau Candide. Il me fait l’effet d’un missionnaire égaré dans une tribu anthropophage avec sa bible comme seul bouclier, une espèce de pacifiste niais qui se promènerait la fleur au fusil dans les couloirs du Palais quand tous les autres auraient leur tenue de combat et raseraient les murs de peur de se prendre un coup mortel dans la colonne. Toutes les vilenies sont permises dans les couloirs feutrés et lambrissés de la République : élaboration de fausse rumeur, délation fiscale, indiscrétion savamment orchestrée à quelques « canards »… Ne jamais baisser sa garde car sous les moquettes épaisses et les marbres rutilants, se dissimulent bien des chausse-trappes ! Si les chats qui se prélassent aux beaux jours dans les fourrés des jardins de l’hôtel de Lassay savaient parler, ils nous en conteraient de belles sur les coulisses de ces palais où la comédie démocratique se joue à grands frais. En ces lieux, l’hypocrisie tient le manche quand la mesquinerie frappe.

    J’ai toujours parcouru avec un plaisir curieux mêlé de crainte les caves voûtées et les couloirs souterrains du palais, car je m’ imaginais que peut-être un jour j’y découvrirais, au hasard de ces pérégrinations, le squelette morcelé de quelques victimes du parlementarisme rationalisé. A cette évocation, je souris encore. En fait de cadavres, je n’ai jamais vu errer autre chose que quelques rats ; encore étaient-ils rares, car les chats bourbonnais sont redoutables d’efficacité. Quelques gardes républicains aussi traînaient leurs guêtres en ces lieux sombres et poussiéreux, car la sécurité de certains sites s’attache aussi à leur sous-sol.

    Mais j’en reviens à notre ravi de l’hémicycle.

    S’il est une chose que l’homme politique n’aime pas, et T en était un exemple parfait, c’est d’avoir à choisir. Car choisir, c’est éliminer et donc déplaire à quelques-uns. Déplaire… quel drame pour celui qui ne vit que par et pour le regard des autres. Ne pas avoir à choisir pour ne pas avoir à déplaire : c’était le rêve de T. Combien de fois l’ai-je vu se ronger les sangs, tourner en rond dans son bureau, rédiger une prise de position, la déchirer pour adopter l’option opposée pour finalement s’arrêter, la tête entre les mains, et me lâcher tout de go « je suis perdu » avec des yeux de chien battu !

    Au fond, j’ai toujours pensé que pour les neuf dixièmes d’entre eux, ces honorables parlementaires étaient centristes dans leur for intérieur par peur du choix ; certains sont plus au centre que d’autres, c’est tout.

    Le marais a encore de beaux jours.

    F.E.

    Tous droits réservés, reproduction interdite

  • Le gentilhomme trompé


    Ma chère amie,

    Je vois le jour qui décline et toute ma joie avec. Votre lettre du 15 de ce mois me trouve pleine d'un vague à l'âme que je ne parviens à dissiper. Sans doute un effet du temps sur mon humeur que j’ai, moi aussi, à la pluie ces jours-ci. Ces brumes persistantes et ces crachins qui n'en finissent pas achèvent de me miner. Je voudrais tant retenir ces minutes qui ne cessent de fuir, de plus en plus vite, de plus en plus loin. Ces journées qui raccourcissent, cette lumière qui se tamise, ces ombres qui avancent à pas lent mais ferme, cette nature en deuil qui se pare de son linceul hivernal, tout cela me porte à la mélancolie. Ah ! mon amie que votre douce et amicale présence, que vos rires me manquent. La solitude intérieure glace le plus douillet des foyers.

     

    Il faut que je me reprenne. Paraître. Toujours. Ne jamais se laisser aller. Etre digne. Voilà ce que répétait Monsieur mon Père lorsque j'étais enfant et que le chagrin me serrait le cœur. Je mesure aujourd'hui la profonde nécessité de ces exigences. Il est des gens qui ne pardonnent aucune faiblesse, aucun écart, qui vous jugent sur un instant et si ce n'est pas le bon, tant pis. Cette engeance m’indiffère, mais je ne veux lui donner aucune prise. Etre irréprochable, s'efforcer de l'être en tout cas, c'est la paix de l'esprit assurée.

    Vous me trouvez en peine aussi, car il faut que vous sachiez que l'état de ce pauvre J. s'est considérablement aggravé. Je vous avais dit mes craintes au sujet de cet ami commun dont le comportement ne laissait de m'inquiéter depuis quelques mois. Je crois que la dernière fois que vous l'avez vu, à la Noël de l'an dernier, il allait encore bien. Vous ne le reconnaîtriez pas ce jour. Lui qui était si bon vivant est comme consumé par un feu intérieur. Vous ai-je dit que son épouse l'a quitté ? Elle est repartie vivre sur ses terres de Bretagne et je crois que c'est ce qui a déclenché la suite des évènements.

     

    J'ai toujours pensé que ce couple ferait long feu. Non que je crois au mariage d'amour. Ce sentiment n'a que peu de place dans cette sorte d'arrangement, nous le savons bien. Inutile de nous mentir, nous serions malheureuses. Le mariage est un contrat comme un autre, à ceci près qu'il peut comporter un charmant avenant : l'amour. A défaut, considération mutuelle, respect réciproque et même confiance seront gages d'une bonne exécution de l'acte. Pour son malheur et du jour de ses noces, la promise de J. a voulu croire que son mariage échapperait à la loi du genre.

     

    Plutôt charmante quoique dénuée d’esprit, elle aurait fait une bonne épouse pour J. Hélas ! les atouts de son mari n’ont su éveiller chez elle autre chose qu’une indifférence polie. Dans un mouvement inverse, J. tombait littéralement sous le charme de la belle écervelée. Lui qui fréquentait tant d’alcôves s’est quasiment muré dans celle d’une épouse qui n’avait de regards que pour les amis de cet époux aveuglé. La rumeur est née un jour d’une indiscrétion domestique, elle a couru d’hôtel en hôtel, de salon en salon et de couches en couches jusqu'à revenir à son point d’origine dans les oreilles du mari trompé. De trompeur impénitent, J est devenu le trompé, le cocu, celui que l’on moque, celui que l’on regarde en souriant tout en le saluant de loin d’un petit mouvement du chef. Celui que l’on fuit aussi de peur que la chose ne soit contagieuse. Pendant un temps, notre ami a feint de ne pas savoir.

     

    Dans un sursaut d’orgueil, on dit qu’il a fait à son épouse une scène épouvantable dont les murs résonnent encore. Il lui a interdit de sortir, a ouvert toute sa correspondance, l’a fait suivre par un valet, l’a couverte de présents, de fleurs. Tout et son contraire en somme. Il est arrivé un soir chez moi hagard, l’habit de travers, persuadé que je cachais sa femme, tenant des propos sans queue ni tête, me parlant d’un complot ourdi par des ennemis cherchant sa perte. J’ai eu la plus grande peine du monde à le ramener à la raison. J’ai fait atteler ma voiture au milieu de la nuit et l’ai raccompagné moi-même jusqu’au Marais. Dans le même temps, je l’ai appris par la suite, la belle coureuse avait fait quérir ses malles pour retourner en Bretagne.

     

    Depuis, notre ami est enfermé en son hôtel. Il ne répond à aucune invitation et ne veut recevoir personne. On dit qu’il a fait donner aux œuvres tous ses habits et qu’il ne porte plus que le grand deuil. Hier, tandis que je me promenais au Bois, la silhouette d’un pauvre hère a attiré mon attention. Nos regards se sont croisés et j’ai lu dans ses yeux comme une muette prière : celle de feindre ne point l’avoir reconnu. Alors, j’ai passé mon chemin.

    La dignité ma chère. Même dans les pires turpitudes.

    Fidèlement,

    F.E.

    Tous droits réservés, reproduction interdite

  • Le disciple volant (Le faire-valoir)

    Chère amie,

    Tenue éloignée une semaine durant de mon bureau par une légère indisposition, je ne recouvre qu’aujourd’hui la force suffisante pour coucher quelques mots sur le papier. Tu me vois bien désolée d’avoir manqué ta cousine et je te prie de bien vouloir lui renouveler toutes mes excuses de n’avoir pu honorer mes engagements auprès d’elle. Je sais combien elle se faisait une joie de m’accompagner à l’inauguration de l’exposition universelle et de visiter le nouveau palais de Chaillot. Fort heureusement, j’ai pu lui faire parvenir à temps les autorisations et notre amie commune B a été, je crois, un guide de fort bonne compagnie. Je pense aller voir demain une fresque de Raoul Dufy sur la fée électricité ; on la dit très impressionnante. En attendant, cette fée doit avoir ses humeurs, car nous sommes privés de sa lumière depuis hier soir. J’ai donc fait reprendre du service à toutes mes lampes Pigeon. Fort heureusement, l’inconvénient est mineur car les jours vont en s’allongeant. Au reste, je trouve à ces lampes comme aux bougies d’ailleurs un charme tout particulier ; écrire à leur lueur, c’est caresser de la plume le temps qui passe.

    Il ne faudrait pas que ce reste de fièvre qui me pousse à la nostalgie me fasse oublier de te raconter mon dernier dîner chez cette chère B. Je ne sais pas comment ces choses-là arrivent, mais je vais finir par penser que j’attire décidément les drôles de zouaves. Ou bien serait-ce que j’ai un regard à ce point acéré que je vois chez certains ce que nul autre ne voit ? Je m’interroge vraiment et j’en ri beaucoup. Tu te souviens sans doute de ce fat dont je t’ai parlé dans l’une de mes lettres. Eh bien, ce que je ne t’avais pas dit alors, c’est que ce personnage trimballe dans son sillage toute une cour dont le pilier est un jeune homme que l’on ne remarque pas de prime abord tant il est insignifiant. Il est même tellement effacé qu’on pourrait le croire transparent ; derrière ses petites lunettes son regard semble délavé, ses vêtements de coupe aléatoire sont passés. Il n’y a rien en lui qui accroche le regard et la nature l’a fait tellement maigre qu’il n’occupe que peu d’espace.

     

    Comment B le connaît-elle ? Je ne sais, mais il était de ce dîner. Je me suis trouvée placée en face de lui. Tu penses si j’ai eu tout loisir de l’observer. Notre amie avait également convié un vieux général, un évêque bedonnant et un jeune dandy aux idées tranchées accompagné d’une cocotte outrageusement maquillée. Il y avait aussi sa vieille tante de quatre-vingt sept ans, veuve depuis 1870, qui feint de ne plus avoir toute sa tête. Ce mélange des genres est le jeu favori de B.

    Le général et l’évêque se sont partagé les frais de la conversation, le vieux militaire refaisant la grande guerre, l’ecclésiastique lui répondant par l’apocalypse de St Jean. Je me serais mortellement ennuyée si le véritable spectacle ne s‘était déroulé en face de moi. J’ai cru mon fade vis à vis atteint d’une sorte de malaise à le voir ainsi osciller la tête de façon continue. En fait de malaise, l’animal opinait tout simplement du chef en regardant tantôt le général, tantôt l’évêque. Et tandis que toute la tablée étouffait poliment ses bâillements en regardant discrètement sa montre, j’ai vu le visage de notre homme se transfigurer vraiment jusqu’à afficher un air de la plus grande pénétration. J’ai cru un instant qu’il se moquait, mais il était des plus sérieux en vérité. Plus l’ennui nous gagnait, plus l’homme avait l’air intéressé par la conversation. Encouragés, les bavards continuaient. Et j’ai enfin compris.

     

    J’ai rencontré, ma chère, un authentique faire-valoir. Ce garçon, dont on se demande si on ne l’a pas rêvé, tant il est inconsistant, n’existe que parce qu’il sert la cause des beaux parleurs. Sa pensée n’importe pas. De toute façon, il ne pense pas. Il n’a pas besoin de parler. Il lui suffit d’hocher la tête en se donnant l’air de savoir, ce qui confère au parleur l’autorité du maître qu’il n’est pas, mais qu’il paraît être aux yeux des autres pour quelques minutes. C’est une sorte de disciple volant qui louerait ses services à quelque ego en mal d’admirateur. Je soupçonne B de l’avoir emprunté au fat pour donner à nos deux vieux messieurs l’illusion qu’ils comptaient encore dans le monde.


    Fort heureusement, les vieux messieurs en question sont gourmands et le dessert les a fait taire. B. a eu l’intelligence de faire servir le café au salon avant que le sabre et le goupillon ne se remettent à leur causerie. Quant à mon voisin de table, je ne l’ai plus vu de la soirée. Sa tâche accomplie, il s’est comme effacé du décor.

    Ton amie qui t'embrasse.

    F.E.

    Tous droits réservés, reproduction interdite


  • Le bal du fat

    Mon amie,

    Votre lettre du jour me trouve pleine d’un courroux dont il faut que je vous parle. Figurez-vous que j’ai rencontré le personnage le plus odieux que la terre n’a sans doute jamais porté. J’avais été invitée au traditionnel bal masqué de Monsieur et Madame de L. qui chaque année ouvre la saison. Tout Paris s’y presse, car il faut s’y montrer et l’on a tôt fait de soupçonner quelques disgrâces derrière les visages manquants. La chose est d’autant plus amusante que de visages, jusqu’à minuit, on ne voit point. Deviner qui se dissimule derrière les Arlequins, les Pantalone et autres Scaramouche, Matadore et Colombine est un jeu qui réserve bien des surprises.

    Vous connaissez mon peu d’empressement pour ce genre de divertissement, aussi je ne m’attarde pas à ces fêtes ; c’est tout juste si je salue quelques proches et les convie à venir causer dans mes salons loin de toute cette agitation. S’il faut trouver quelques consolations à ces parades mondaines, je dirais que la nourriture y est bonne et les vins fameux. Au reste, l’hôtel des L. est charmant et le mobilier qui comporte quelques belles pièces est agencé avec beaucoup de goût. Il est regrettable toutefois que la certitude d’y rencontrer à coup sûr quelque fâcheux gâche à l'avance le plaisir de se trouver en un endroit si charmant. Madame de L. pense qu'il est de bonne politique pour la carrière de son parlementaire d’époux de tenir salon ouvert à toutes sortes d’oiseaux. Leurs pépiements incessants sont un défi perpétuel à l’intelligence de l’honnête homme et je suis saisie de maux de tête épouvantables après chacune de mes visites. J’ai donc pris l’habitude de les espacer, mais je ne pouvais manquer le bal d’automne qui donne le « La » de la nouvelle saison littéraire et artistique.

    J’allais en repartir quand mon attention a été attirée par un petit groupe de gentilshommes qui parlaient assez vivement à en croire les grands gestes de celui qui portait un costume de Matador. En fait de discussion, il s’agissait plutôt d’une sorte de joute entre deux seulement des hommes : le Matador et le Scaramouche. Je me suis approchée discrètement, mais en restant à bonne distance. J’étais fort intéressée par la querelle mais résolument décidée à ne pas le montrer. Il est de bonne intelligence que les femmes restent en dehors de ces affaires d’hommes ; quand elles s’en mêlent, elles n’y apportent que confusion. Feignons de n’y rien comprendre et jouons les candides, ces messieurs ne se méfient plus et baissent leurs gardes.

    Mais j’en reviens à nos querelleurs. Sur la dizaine d’hommes présents, j’ai clairement identifié trois camps. Les courtisans du Matador, les soutiens du Scaramouche et les observateurs, un pas en retrait sur les autres. L’objet même de la discussion n’avait que peu d’importance en somme ; il me souvient vaguement que l’affaire était partie d’une divergence de vue sur un livre nouvellement paru d’un auteur très en vogue dans certains salons parisiens que les gens de goût ne fréquentent pas.

     

    Je n’ai jamais vu quelqu’un d’aussi fat que ce Matador. Figurez-vous ma Chère, qu’au prétexte d’avoir écrit – plutôt bien d’ailleurs - quelques libelles, il ne cessait de se citer lui-même en bombant le torse comme un coq de basse-cour. Sa fatuité n’avait d’égale que sa mauvaise éducation. Absence même d’éducation devrais-je dire. Il parlait fort, haranguait la foule, prenait à témoin ses soutiens du moment (dont j’ai appris depuis peu qu’ils étaient encore ses ennemis la veille et le sont sans doute de nouveau aujourd’hui) et usait d’arguments vils, indignes de qui se prétend gentilhomme.

    Mais l’animal a du talent, il faut le reconnaître. Qu’elle se fasse avocat ou procureur, sa langue est acérée, il ne manque pas de lettres et il fait de l’insulte un art qu’il manie avec aisance. Je pense qu’il est plus craint que respecté et qu’il joue de cela comme un illusionniste. Notre Scaramouche est tombé dans son piège. Bien qu’il ne se soit départi ni de sa noblesse, ni de sa fermeté de caractère, ni même de son verbe haut face au flot d’injures dont l’autre l’abreuvait, il n’a pas répondu au fond des choses. Le Matador arrive en terrain conquis, persuadé de sa supériorité et jette à la figure de son interlocuteur quelques grands mots qu’il fait immédiatement suivre d’un crachat venimeux. A esquiver le venin, on ne répond pas sur les mots et le Matador croit que l'on ne sait que dire. Ainsi est-il entretenu dans une supériorité d’autant plus illusoire qu’il ne sait qui se cache derrière les masques qui le regardent et parfois l’affrontent. A visage découvert, aurait-il autant de verve ? De courage même ?

    A minuit, le Matador avait quitté la scène.

    Il n’y a pas que les visages que les masques transfigurent. Les personnalités se révèlent. D’autres masques, ceux de l’âme pour le coup, tombent.

    Votre F.E.

    Tous droits réservés, reproduction interdite


  • Le cousin de Madame de ***

    Ma bonne Amie,

    Je suis bien aise des nouvelles que vous me mandez. Ainsi donc, vous voici de nouveau grosse des bonnes œuvres de votre époux. Monsieur du … met bien du cœur à avoir ce fils qu’il souhaite tant ce me semble ! Ménagez-vous ma bonne, et de grâce, ne laissez pas votre santé s’user à cette tâche, fût-elle bénie de notre Seigneur. Je me confesse mécréante pour ces affaires-là. Je ne connais que trop le prix de cette vie pour ne point la gâcher par moult désagréments, quelle que soit leur nature.

    Je retrouve avec bonheur notre bon Paris après une halte de commodité chez Monsieur mon cousin en Bourgogne. C’est un plaisir toujours renouvelé que de parcourir ce domaine où je suis née. Imaginez qu’à l’été finissant, les camaïeux de verts se disputent le paysage avec les ocres d’un automne qui s’avance à pas lent. La nature est en joie de la vendange qui approche, et les cuvages que l’on aère exhalent les effluves des crus passés. Cette terre de Bourgogne prête à donner son fruit est comme un corps de femme: grasse, toute en courbes et vallons … Ah ! mon amie que j’aime ce pays si plein de délicieux souvenirs de l’enfance que je garde en mon cœur gravés comme autant d’eaux-fortes, témoins d’un temps qui fut et qui fuit.

    Voilà que la nostalgie gagne votre incorrigible amie prompte à tous les emportements.

    Il faut tout de même que je vous avoue que mon séjour bourguignon a été quelque peu terni par la triste humeur de mon cousin. Figurez-vous ma chère que ce monsieur se plait à jouer les dévots. Il vous souvient que le personnage était plutôt un gai luron dans sa prime jeunesse. Il affichait alors une foi raisonnable, plutôt crapaud du Marais que grenouille de bénitier, plus pêcheur que prêcheur, amateur de bons crus plus que de vins de messe, de bons rots plus que de pain béni.


    Quelle triste mine il affiche aujourd’hui ! Sa mise est terne, sans ornement aucun, et il se donne des airs de barbon quand il n’a pas trente ans. Son œil est sévère et sa bouche amère. Les ailes de son nez, qu’il tient pincé, frémissent quand il assène quelque sentence comme s’il battait lui-même la mesure d’un muet requiem. Lui qui riait à gorge déployée, c’est tout juste s’il ricane parfois. Il est affecté enfin d’une sorte de petit toussotement sec qu’il étouffe dans un mouchoir de fine baptiste qu’il a constamment à la main.

    Son cœur est sec, ses jugements sur telle âme qui se serait éloignée du droit chemin sont sans appel ; on ne sait trop à quelle aune il définit la rectitude dudit chemin. Toute notre parentèle a eu ainsi les grâces de ce triste sire. Ses anciens amis sont devenus des exemples à ne pas suivre et ses nouvelles relations sont toutes à son image. J’ai appris avec effroi qu’il avait laissé périr à l’hôtel-Dieu une proche cousine dans le plus grand dénuement : « Vous comprenez ma sœur, la malheureuse mérite ce sort et doit maintenant rendre compte au Très-Haut de ses égarements passés et, en père responsable, je ne saurais faire entrer une telle pécheresse chez moi ».

    Savez-vous mon amie de quoi est morte cette cousine ? D’avoir voulu faire passer un enfant. Et voulez-vous que je vous dise qui était le père ?

    Je vous laisse le deviner.

    Votre triste mais dévouée F.E.

    Tous droits réservés, reproduction interdite

     

  • L'éditeur W.

    Chère C.M.

     

    Je t’écris sous le coup d’une émotion que je maîtrise mal. Aussi, tu voudras bien me pardonner cette main tremblante et des propos peut-être décousus. Quel dommage que le téléphone ne fonctionne pas ! Ah, ces nouvelles technologies !

    Figure-toi que je viens d’apprendre que W postulait pour entrer à l’Académie ! Oui ma Chère rien que cela ! J’étais chez notre amie B. qui recevait à déjeuner. Tu la connais aussi bien que moi et tu sais son amour pour les cancans et les potins. Les rumeurs les plus folles du tout-Paris s’y colportent et s’y échangent. Les mauvaises langues disent qu’elles s’y créent aussi. Beaucoup y meurent. Mais je reviens à la nouvelle du jour. Tu imagines un peu, W à l’Académie ! Quand B me l’a appris, je suis restée comme deux ronds de flan et j’ai eu l’air stupide durant de longues minutes.

    Assurément W est riche, très riche même. Tellement riche qu’il s’est offert l’an dernier une maison d’édition en difficulté. Il a commis quelques mois plus tard une sorte de chose que j’ai peine à qualifier de livre. Disons que c’est une suite de mots sans trop de queue ni de tête vautrés plutôt que couchés sur du papier. Dire qu’il a reçu mauvaise presse est peu. Enfin, il aurait pu n’avoir aucune presse, c’eût été mieux encore.

    La langue française est une trop belle chose pour la mettre dans n’importe quelle bouche, et celle de W est vulgaire.

    Au demeurant, l’animal a du nez, on ne peut lui dénier cette qualité. Il n’a par ailleurs aucune conscience de son ridicule. Là où d’autres se seraient terrés durant des mois en quelque cache provinciale, W a, quant à lui, arpenté, le ventre en avant, les couloirs de la rue d’Ulm pour se trouver quelque étudiant en délicatesse avec son banquier. Je te prie de croire, qu’il n’a pas eu de peine à trouver. C’est ainsi qu’en quelques semaines, W se trouve l’auteur d’un livre dont il n’a pas écrit une ligne. Quant à l'avoir lu...

    Avec l’argent, viennent les relations et avec elles, les amis. Les amitiés pécuniaires de W sont nombreuses et influentes. Si le talent ne s'achète pas, on peut toujours s'offrir ceux qui en sont pourvus, fréquenter leurs lieux et se croire de leur monde. A ce jeu, W est passé maître puisqu'il a au moins réussi à se faire entrouvrir les portes de la coupole. Je doute fort toutefois qu’il dépasse le stade de la conciergerie, ce qui serait encore trop pour le bonhomme. En tout cas, quand bien même serait-il élu, que je ne le recevrais pas dans mon salon !

    Paris perd la tête ma Chère !

    Je t’embrasse.

    F.E.

    Tous droits réservés, reproduction interdite

     

  • Le père P.

     

    Puisqu’il faut nous quitter, Chère Amie, c’est par nos plumes que nous poursuivrons cette conversation que nous entretenons depuis si longtemps. A Dieu ne plaise qu’il ne vous arrive rien de fâcheux en ces terres que l’on dit si hostiles. Vous connaissez mon sentiment sur ce départ, aussi je ne vous le redirai pas. Sachez tout de même que je ne vous approuve qu’à demi. Quel besoin avez-vous d’accompagner votre époux dans cette affectation lointaine ? Vous auriez tout aussi bien pu l’attendre en notre bonne ville. Après tout, la compagnie n’y est pas si mauvaise et suivre son mari relève d’une vue du mariage qui n’est pas mienne ! J’espère au moins que vous me divertirez en me mandant par le menu les mœurs des indigènes de cette contrée. Voilà qui atténuerait la peine que votre éloignement me cause !

    J’ai rencontré ce matin notre relation commune L. P. Cette personne est, je pense, à cent lieux d’imaginer ce qu’au fond nous pensons d’elle. Je riais intérieurement de l’entendre me demander de vos nouvelles, vous qui êtes son pire détracteur. Si l’intuition féminine existe, il est vain d’en rechercher la moindre once chez elle ! Nous nous sommes souvent amusées de ses tenues bariolées à l’excès. Elle avait ce matin tout l’air de ce volatile que l’on nomme perroquet. Les couleurs flamboyantes de cet oiseau ne sont guère séantes pour une femme, fût-elle encore jeune. On se donne de grands airs, voilà qu’on ressemble à un perroquet pour se trouver finalement taxée de grue dans le secret des correspondances. Avouez que cela est piquant ! Je reste au demeurant moins sévère que vous qui ne pardonnez rien aux gens de cette sorte. Reconnaissez-lui au moins le mérite d’avoir su élever ses enfants au-dessus de leur condition. N’est-ce pas là tout le bien que l’on peut attendre d’une éducation réussie ... ?

    Pour être honnête, je vous avoue que je vous rejoins pour dire qu’il y a de la grâce dans l'histoire de cette ascension familiale. Il est vrai que son époux le père P est un rustre de la pire espèce. Je garde un souvenir impérissable du dîner auquel nous fûmes conviés il y a quelques années de cela. Si l’intérieur des maisons en dit autant sur leurs hôtes que de longs discours, la demeure du père P est une grande bavarde. Il n’y a rien de plus désolant que les gens qui se donnent l’air d’être ce qu’ils ne sont pas. Chez les P, vous vous sentez agressée dès le vestibule. Les meubles de mauvaise facture s’y étalent et le mauvais goût vous remonte à la gorge comme un haut-le-cœur. Votre œil est irrésistiblement attiré, aspiré même, par une peinture représentant une vue de notre bon Paris ; mais un Paris d’opérette ma chère, un Paris aux couleurs cocottes, un Paris criard qui hurle au visiteur sa honte d’être ainsi entoilé. Cette croûte n’aurait-elle qu’un seul mérite, ce serait celui de m’éclairer sur l’inspiration vestimentaire de Madame P. Elle doit se faire fort le matin de s’assortir à son intérieur. C’est un défi comme un autre après tout, et il en est des pires. Au moins celui-ci a t-il le mérite de nous divertir.

    Je ne garde du dîner en lui-même que peu de souvenirs. Pour dire le vrai, je n'en aurais conservé aucun si l'on ne nous avait servi le saumon avec des couverts à poisson et repassé deux fois les fromages ! Fénelon, alors qu'il était précepteur de Monseigneur le duc de Bourgogne, lui aurait dit "qu'il était plus facile d'apprendre à parler comme un gentilhomme qu'à manger comme lui" ... Ce disant, peut-être pensait-il à quelque père P. de sa connaissance ...

    Assez de mauvaises pensées pour ce jour. Je vous quitte mon amie en espérant vous lire bientôt. Votre dévouée F.E.

    Tous droits réservés, reproduction interdite